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SUITE :Débuts des relations secrètes entre le Maroc et Israël

1 Janvier 2009 , Rédigé par saladin Publié dans #JUIFS

Balafrej, Ben Barka et Israël


Balafrej, Ben Barka et Israël

Réponse de Yigal Bin-Nun à la lettre d’Anis Balafrej

Anis Balafrej semble extrêmement gêné par les relations harmonieuses qui ont toujours existé entre son pays et Israël, tous partis confondus. Je dois à l’occasion informer le fils de l’ancien Premier ministre marocain de quelques détails trouvés dans de nombreuses archives concernant les relations amicales qu’entretenait son père Ahmed Balafrej avec la communauté juive locale, avec les émissaires d’organismes juifs internationaux et avec des Israéliens.
À ma connaissance, Balafrej n’a jamais eu de contacts avec des agents du Mossad. Contrairement à Mehdi Ben Barka qui sollicita de l’aide aux Israéliens pour prendre le pouvoir par la force au Maroc et instaurer un régime progressiste, Balafrej a de tout temps servi docilement le Palais. Lors d’une rencontre avec Golan à Paris en février 1959, il s’est plaint devant son ami israélien que par sa conduite irresponsable, Ben Barka risquait d’entraîner une scission au sein de la nation marocaine.
En effet, Balafrej avait entretenu des relations très amicales avec Jo Golan, (en photo serrant la main à Balafrej) qui n’était nullement un membre de la communauté juive locale comme le prétend Anis Balafrej, mais un Israélien, conseiller de Nahum Goldman, président du Congrès Juif Mondial. À ce titre il rencontra maintes fois Ahmed Balafrej qu’il rencontra souvent à New York avant l’indépendance du Maroc. Le 15 août 1955, Balafrej déclara à Golan et à Alexandre Easterman, du même organisme, qu’il était favorable au droit à la libre circulation des Juifs marocains et que tout organisme qui soutient la communauté juive soutien aussi l’indépendance du Maroc. En effet, les dirigeants du CJM ont très tôt soutenu le Mouvement National Marocain, contrairement à la position officielle du gouvernement israélien, lié d’amitié avec la France. En juillet 1956, c’est Balafrej qui conseilla à Golan et à Easterman de rencontrer son ami Allal Alfassi à Fès au domicile d’Ahmed Mekouar, « la conscience de l’Istiqlal », afin de trouver une solution au problème de l’évacuation du camp de transit de réfugiés juifs près d’Eljadida, qui voulaient émigrer en Israël. En décembre 1957, il invita un autre délégué du CJM, Maurice Perlzweig au Maroc et lui déclara son accord au libre départ de Juifs du Maroc, mais à condition que cela ne se transforme pas en émigration de masse. Dans ce sens, il s’entretint avec Golan et Gerhart Riegner en novembre 1957.
Durant ses deux mandat comme ministre des Affaires Etrangères, d’avril 1955 à mai 1958, au moins trois hauts fonctionnaires juifs servirent Balafrej dans le département économique, entre autres Georges Berdugo. Lors d’une visite dans une synagogue le Yom Kippour il déclara solennellement que les musulmans marocains ne pouvaient en aucun cas prétendre avoir des droits sur le Maroc plus que ses sujets juifs.
Balafrej a participé au moins à deux reprises (en octobre 1958 et en mai 1961) aux Conférences de Florence pour une paix israélo-arabe organisées par Jo Golan. Selon les rapports d’André Chouraqui, délégué de l’Alliance Israélite Universelle, alors que les Israéliens voyaient en lui « un conservateur éclairé », Ben Barka prétendait en mars 1959 que Balafrej et Allal Alfassi ne représentaient qu’un quarteron de bourgeois dont la force ne provenait que du fait que les biens de l’Istiqlal étaient inscrits au nom de Balafrej depuis l’époque coloniale où le parti était clandestin.
Dans une lettre datant d’octobre 1958 envoyée du Maroc par Golan à son président Goldman, il relate la visite au Maroc d’un certain Anouar Sadat, membre des jeunes officiés qui avaient renversé la monarchie en Egypte. Sadat essaya d’établir des relations d’affinités idéologiques entre les partis politiques marocains et le nassérisme panarabe. Il rencontra une certaine sympathie chez Mohamed Hassan Ouazzani, mais fut confronté à une opposition flagrante de la part de Ben Barka et aussi de Balafrej qui s’identifiait avec un « occident musulman » plutôt qu’avec le panarabisme anti-monarchique nassérien.
D’après le témoignage de Jo Golan, Ben Barka non seulement effectua un voyage secret en Israël, mais a aussi reçu un salaire mensuel de la part du CJM, malgré quelques réticences de la part du ministère des Affaires Etrangères à Jérusalem. Ces relations idylliques avec Israël commencèrent à ternir lorsque Ben Barka parla ouvertement de prendre le pouvoir par la force au Maroc et demanda non seulement de l’argent, mais aussi des armes à Israël, lors de sa rencontre avec Yaaqov Caroz, le bras droit de Isser Harel chef du Mossad. De là, la rupture progressive entre le Mossad et lui, qui explique ses propos contre la présence d’Israël dans les pays d’Afrique et d’Asie lors d’un discours qu’il a tenu au Caire en avril 1965 devant des étudiants palestiniens.
Quelques années au paravent, en avril 1960, il avait tenu des propos tout à fait pro israéliens à la Conférence de l’OSPAA à Conakry. Hormis ce seul et célèbre discours au Caire, Ben Barka était enchanté par le modèle de développement israélien. Il demanda à ses interlocuteurs de l’ambassade d’Israël à Paris des livres pour apprendre l’hébreu, des comptes-rendus hebdomadaires ou quotidiens de la presse hébraïque ainsi que de la documentation concernant le développement rural et agricole en Israël afin de s’en inspirer au Maroc. Il demanda aussi d’envoyer des stagiaires marocains de son parti à l’Institut Afro-asiatique de la Histadrut à Tel-Aviv.
Les officiels israéliens étaient pour le moins surpris par les propos venimeux de Ben Barka contre la monarchie marocaine à la solde du féodalisme. Le leader de l’opposition ne daigna même pas demander à ses interlocuteurs de garder en secret ses intentions. Les Israéliens essayèrent de le persuader de contenir ses projets belliqueux, de collaborer avec ses adversaires et de ne pas s’aventurer dans une lutte armée contre le Palais qui risquait d’échouer et de mettre le Maroc en sang. Malgré ces requêtes, il ne faut surtout pas voir en Ben Barka, comme le souligne Anis Balafrej, un « agent du Mossad » puisqu’il n’a rien fourni à ce service mais plutôt sollicita son aide pour accéder au pouvoir.
Quant à l’argent perçu à plusieurs reprises par Ben Barka, provenant de divers pays, s’agissant d’un chef de parti en exil, il avait besoin d’argent pour sa lutte politique, argent qu’il demanda à Nasser, aux Algériens à Tito, à Mao, aux Israéliens et au CNRS. Comme beaucoup d’hommes d’états, Ben Barka a aussi commis des erreurs en faisant un excès de zèle pour servir le Palais au début de l’indépendance, lorsqu’il pensait que bientôt le Palais n’aurais plus qu’un pouvoir symbolique. Voulant asseoir trop vite son pouvoir, il se débarrassa parfois de ses ennemis par des moyens trop violents, et pas seulement dans le cas de Abbas Messaadi.
À moins de vouloir à tout prix démoniser Israël, quoi qu’elle fasse, le fait que Ben Barka affichait, au moins jusqu’au début de son deuxième exil, une grande admiration pour Israël, ne doit en aucun cas le discréditer aux yeux de ses admirateurs mais plutôt faire preuve de sa lucidité, de son courage et de son intelligence. Ses relations avec des officiels israéliens ont de loin précédé ceux que le Mossad avait entretenu officiellement avec Mohammed Oufkir et avec Hassan II à partir de février 1963. Les relations de Ben Barka avec Israël ne doivent en aucun cas ternir son image de marque d’un homme intègre qui aurait pu, en d’autres circonstances, conduire son pays vers le progrès et la modernité.
Il est vrai qu’actuellement il est de bon ton d’accabler Israël de tous les maux. Il est vrai aussi qu’à une époque où le manichéisme et la pensée unique surplombent les medias, il n’est pas politiquement correct de tenir des propos favorables à Israël. A mon avis, la classe dirigeante marocaine et ses intellectuels peuvent être fiers de la politique menée par leurs leaders historiques, aussi bien de gauche que du Palais, qui eurent le courage de mener une politique raisonnable de médiation pour résoudre un conflit, au lieu de suivre aveuglement une politique animée par des slogans de haine et de racisme.


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