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Le blog de:  azizsalaheddine@hotmail.com

El Jadida / Mazagan:et histoire du maroc

26 Mai 2009 , Rédigé par saladin Publié dans #Histoire et socièté

http://www.sebtamlilya.net/sebta%20melilla%20et%20les%20ilots.htmllink
A travers un portrait historique cernant suffisamment la question, une analyse qui s'appuie sur une documentation variée écrite et orale, nous avons entrepris une mise à nu de la mentalité coloniale anachronique de l'occupant de nos territoires spoliés au Nord, à travers un travail appuyé sur des études approfondies et la confrontation de témoignages dits et imprimés d'éminents historiens, journalistes et politiciens.

Ce faisant, nous nous sommes efforcés de souligner une quantité de faits mal connus en usant de raccourcis attirants et explicatifs, et en donnant une explication juste à l'immense interrogation sur la présence espagnole dans les présides de Sebta, Mellilia et les ilôts de la méditerranée.

Ce travail met à l'évidence toute la légitimité de la revendication marocaine sur les places de Sebta, Mellilia et les îlots méditerranéens situés sur la côte rifaine. Les compléments aux analyses faites auparavant dans les essais de nos historiens, s'attachent surtout à démontrer comment l'espace méditerranéen mouvementé autour de quatre aires culturelles (Islam, Chrétienté, Orthodoxie et judaïsme) a cicatrisé l'histoire des relations hispano-marocaines et continue de nourrir l'égoïsme et l'allocentrisme nuisibles à l'émergence d'une conscience euro-méditerranéenne basée sur la confiance réciproque de nature à résoudre l'affaire de nos enclaves occupées.
Quelques repères historiques

En l'an 700, Moussa Ibnou Noussair est entré à Sebta qu'il baptisa de ce nom avant d'autoriser le conquérant Tarik Ibnou Ziyad et ses hommes à regagner l'autre rive avec pour mission d'y propager la religion musulmane. Depuis l'année 711 au cours de laquelle a eu lieu la Bataille de Guadalete marquant le début de l'ère de la présence des musulmans en Andalousie, le Maroc était devenu une nation rivale au Sud méditerranéen et un danger imminent pour la péninsule ibérique qui se déclarait chrétienne.

Les conquêrants Arabes et leurs renforts berbères ont traversé la médietrranée et ont continué vers l'Europe prenant donc l'Espagne (l'Andalousie) en 711-713. La conquête de l'Europe par les combattants de la foi n'a dû être arrêtée qu'à la suite de la défaite de Poitiers (en France) en 732 devant le roi des francs. Toutefois, l'immense empire Arabe allait comprendre toute l'Andalousie jusqu'en 1492.

Durant le califat andaloux, le Moghreb littoral (Al Aqsa) entretenait d'étroites relations politiques avec l'Andalousie et dépendait parfois d'elle, ce qui ne présentait aucun danger pour les places de Sebta et Mellilia, deux séculaires comptoirs commerciaux de la méditerranée Sud. Evidemment, les Royaumes de Castille et d'Aragon étaient coupés de tout appétit pour la terre d'Islam dont Sebta et Mellilia, et n'y pensaient même pas. Pourtant, le cours de l'histoire de l'Andalousie allait en décider autrement avec -les luttes intestines aidant- la décadence de l'émirat arabo-musulman d'al andalous (Mamalek Attaouaïf) et les chutes successives des émirats de Valencia en 1238, de Cordoba en 1246, de Sevilla en 1248 et de Cadiz en 1260, leurs prises, puis leurs reprises. Deux siècles durant, les combats se sont succédés jusqu'à la date fatidique du 2 janvier 1492, lorsque les dernier bastions musulmans de Granada et de Cordoba sont vaincus et durent capituler aux conditions d'Isabelle la Catholique et Ferdinand II, rois de Castilla et d'Aragon.

Il est certain que l'Europe chrétienne voyait en la circonstance la promesse d'autres succès sur le grand rival musulman. Deux ans après les fêtes de la Reconquista, les traités de Tordesillas du 7 juin 1494 vont marquer le premier partage du monde réalisé dans l'histoire au profit des deux puissances ibériques, berceau de la chrétienneté, prévoyant l'attribution au Portugal des terres marocaines, et à l'Espagne des terres de l'Algérie actuelle, dans le but prémédité de confiner los moros (Etrangers), de surcroit musulmans, dans leurs pays respectifs, les forcer au coup d'arrêt à abandonner les velléités qu'ils expriment pour la conquête de l'Europe et pour prévenir les progrès incessants des Othomans vers le siège de l'Eglise papale à Rome. La chute de Constantinople en 1453 a été un signal d'alarme sur le risque qu'encourt la chrétienté face à l'Islam.

L'idée était géniale et soutenue par la Papauté de Rome qui a appelé aux croisades. C'était un moyen d'affirmer la puissance du monde chrétien et sa volonté d'imposer sa marque au monde. Il s'inscrit ainsi dans un faisceau d'événements dont la découverte du nouveau monde par Chrisophe Colomb.

Déjà, le 31 mars 1492, le décret d'expulsion de la population juive fut promulgué et exécuté jusqu'en 1500. On appelait à l'unicité religieuse.

Harcelée, la minorité musulmane grenadine (les mudejares) se révolta en 1499. Elle fut vaincue après une lutte acharnée qui dura près de deux ans.

Les membres de cette communauté musulmane minoritaire se virent contraints à embrasser la religion chrétienne pour éviter les représailles. Dès lors, on les appela los Moriscos, dont une majorité s'est exilée à Tétouan, Fès et Tlemcen, et entrepris de s'en prendre aux tyrans et infidèles ibériens. En 1501, l'ordre fut donné de brûler, dans le royaume de Granada, tous les Corans, tous les livres ayant un lien avec l'Islam. Seuls furent épargnés les livres de médecine et de philosophie.

En 1511, la langue arabe fut interdite aux crypto-musulmans. De ce fait, le monde occidental chrétien, l'Eglise à sa tête, s'est ainsi volontairement coupé des influences arabo-musulmanes et entrepris de combattre l'Islam sur ses terres afin d'éviter toute invasion prochaine. Sebta, alors sous contrôle portugais, et Mellilia, occupée par le Duc de Medina Sidonia, Don Juan de Guzman, à l'insu même de la couronne espagnole le 17 septembre 1497, devaient servir de garnisons pour le lancement et l'orchestration des attaques contre les musulmans.

Le 4 août 1578, ce fut la cuisante défaite de l'armée portugaise sous la direction de l'ambitieux jeune roi Don Sebastien à Oued El Makhazine (la guerre des trois rois) et l'effacement de l'Etat portugais passé sous protection espagnole de Philippe II, oncle de Sebastien, pendant 62 ans. Isabelle la Catholique, venant par la suite au secours d'un royaume chrétien, allait en effet annexer le Portugal et ses colonies par un accord de protection signé le 7 juin 1556. Sebta que le traître roi déchu, Al Ghalib, avait livré aux portugais pour l'aider à reprendre sa prétendue couronne, passait sous tutelle espagnole avec le leg de l'armée de Sebastien.
Le 22 septembre 1609 les autorités espagnoles décidèrent d'expulser le premier contingent de crypto-musulmans qui gagnèrent les pays du Maghreb. En 1611, a eu lieu l'expulsion définitive de cinq cent mille Maures (Moricos). Faute de moyens, les moins fortunés d'entre eux s'établirent à Tétouan et Chechaouen alors que les familles riches, déjà en contact avec le comptoir commercial et la capitale spirituelle du Maroc, ont regagné Fès, Rabat et Marrakech.

On notera que la revendication marocaine et la lutte pour la récupération de ses terres et îlots n'a connu de cesse depuis la chute de l'Andalousie. On remarquera particulièrement les tentatives des Al Morabitines et des Al Mouahidines, les efforts sous le règne du Sultan Moulay Ismaïl entre 1674 et 1701 et le siège de Mellilia par Sidi Mohammed ben Abderrahmane en 1771 et 1774, quelques années après la libération de El Brija (Mazagan ou El jadida). Un siècle après, en 1858, Isabelle II d'Espagne et son président de gouvernement Leopoldo O'Donnell prirent la ferme décision de conquérir le Maroc. Ce fut l'expédition de Tétouan, financée par les bijoux de la reine, et la guerre du 10 août 1859. C'est donc le caractère hériditaire de l'hostilité envers le Maroc par une Espagne traditionnelle qui anime les aspérités impérialistes et colonialistes, et les visées territoriales de l'Espagne de l'époque qui estimait avoir des droits géographiques et historiques spéciaux sur la terre du Nord de l'Afrique. (Photos 3-4 : Occupation de Tétouan par les espagnols en 1859).
Le vrai mobile du contentieux territorial hispano-marocain.

A vrai dire, tout ce qui est d'importance aujourd'hui dans les relations séculaires entre Al Maghreb Al Aqsa et la Péninsule Ibérique, situés de part et d'autre du détroit de Gibraltar, tout ce qui est de portée dans les plaies de leur histoire commune et dans l'héritage socio-politique né des échanges bilatéraux, s'est décidé en 1492, l'annus mirabilis, selon l'Eglise, Souqoute Gharnata, selon de nombreux arabo-musulmans dont la conscience sociopolitique a été fondée sur la nostalgie de l'illustre ère d'or de cette "Al Andalous" multiculturelle.

En effet, le dernier roi déchu, Boabdil (Abou Abdillah), a été contraint de négocier sa déposition et sa sortie de Granada en vertu d'un accord signé dès novembre 1491. L'armée castillane qui avait reçu des renforts venus du monde de la chrétienté : d'Allemagne, de Suisse, d'Angleterre et de France, investit de nuit le palais d'Alhambra où elle réussit à hisser au sommet les étendards des rois catholiques durant la journée du 2 janvier 1492. le Calife déchu laissait place à Isabelle et Ferdinand pour lesquels la reprise de Granada était l'effort le plus considérable et le plus coûteux de leur règne.

Cette ultime victoire sur les musulmans fut perçue, dans toute la chrétienté, comme une revanche de la chute de Constantinople en 1453 et un coup d'arrêt aux progrès incessants accomplis par les Othomans qui s'étaient emparés de la ville italienne d'Otrante au moment où l'on y préparait une expédition vers Jérusalem. Sous l'émotion vive de la Reconquista, profondément imprégnée du climat d'exaltation, l'Eglise à Rome appelait les princes chrétiens à la Croisade. En cette année de 1492, aussitôt Granada reprise, pour immortaliser la victoire sur une religion adverse et en signe de reconnaissance, les intendances espagnoles ont commencé à délivrer aux membres des contingents venus en renfort des certificats d'anciens combattants de la guerre menée contre les musulmans.

Depuis lors, plusieurs évènements ont eu lieu faisant que les escarmouches se sont succédées entre armées régulières marocaines et espagnoles, et entre de volontaires moujahidines et la base fortifiée de Sebta dans le but de chasser les occupant de la terre marocaine. Cinq siècles et quelques années durant, les marocains et le Maroc officiel n'ont jamais cessé de réclamer la rétrocession des villes de Sebta et de Mellilia à la mère patrie.

Le Maroc moderne a choisi la voie de l'amitié, de la sagesse et du bon sens pour faire connaître ses droits, comme il l'avait fait pour le Sahara. Le 7 avril 1956, feu SM le Roi Mohammed V complétait avec le Gouvernement espagnol, dans une déclaration conjointe, la convention maroco-espagnole de 1912 pour mieux sceller les relations amicales et consolider la paix dans la région.

L'article 2 de ladite déclaration stipulait que l'Espagne s'engage à prendre les mesures nécessaires pour rendre effective l'unité territoriale du Maroc et à assister diplomatiquement et défensivement le royaume du Maroc. Le 10/4/1958, un accord de principe avait été ratifié dans ce sens, relatif à la zone du Sahara que devait quitter l'Espagne. Mais la mentalité franquiste et sous la pression d'évènements internes survenus en Espagne, le projet n'a été concrétisé jusqu'en 1975 grace à la Marche verte. Sebta et Mellilia, mais aussi tous les îlots et récifs occupés par l'Espagne, constituent le noyau dur qui fait grincer, de temps à autre, la crémaillère des relations entre les deux pays.

En 1978, on avait cru que la raison allait l'emporter sur la passion. Sa Majesté Don Juan Carlos 1er, Roi des espagnols depuis trois ans, laissa en effet entendre que l'Espagne restituerait au Maroc Sebta et Mellilia en 1981 (le quotidien "Al Mouharrir", organe de l'USFP à l'époque, dans sa livraison du 25 et 26 juin 1978). Il n'en fut rien et en Mars 2003, M. Zapatero et son ministre des affaires étrangères, M. Moratinos, proposaient leur médiation et exprimaient leur bonne volonté d'intervenir pour le règlement définitif du dossier du Sahara tout en passant sous silence le contentieux sur les deux villes et les fortifications insulaires. Et puis, c'est le motus et la succession des évènements que l'on sait. Qui tire donc les ficelles et qui a intérêt à faire perdurer le statu quo sur nos villes spoliées et les ilôts militarisés avoisinants ?

La sagesse face à la langue de bois
Du point de vue des espagnols, bien que la volonté y est mitigée, rien de plus étonnant que le silence officiel entourant, depuis un demi siècle, la raison historique de leur présence dans ces deux principales enclaves. Tout aussi étonnants l'imprécision des concepts, la mystification de la réalité, les fausses allégations et les déséquilibres juridiques. La technicité des rapports entre christianisme, croisade et présence espagnole sur la terre d'Islam est une attitude qui participe de la même volonté d'interdire la lecture de la vraie histoire sur l'autre rive du détroit. Cependant, des voix savantes de journalistes, intellectuels et politiques sympatisants de la thèse juste du Maroc se sont élevées en Espagne même.

On pouvait lire avec intérêt, à cet égard, durant tout l'été de 1977, les articles de Pablo Castellanos, de Juan Goytisolo, et d'autres à "El Pais", "Ya", "Triunfo", "La Vanguardia", "Mundo Negro", "Cambio 16", "Diario de Barcelona"...etc dans lesquels leurs auteurs espagnols donnaient raison à la revendication marocaine et invitaient l'Espagne à quitter ces places au profit du Maroc. Pour faire taire ces voix, on parlait de manipulation journalistique menée par le Maroc, de thèses impérialistes et de pressions que la CIA américaine exercerait sur l'Espagne de l'époque. La machine espagnole s'était mise en marche pour contrecarrer la revendication marocaine. Et ce fut, entre autres, la programmation de l'entrée de l'Espagne à l'OTAN.

Les opinions sont toutefois diverses. Même parmi le clergé espagnol, on trouve des voix sages qui invitent l'Espagne à quitter les cinq territoires en sa possession dans la côte mediterranéenne au bénéfice de leur propriétaire légitime, le Maroc. Ces commentaires presque chaleureux confortèrent dans leur optimisme la diplomatie et le peuple marocains.

Ainsi, le "Plan Kissinger" prévoyait la restitution au Maroc de tous ses territoires méditerranéens occupés par l'Espagne et la mise en place d'un plan défensif de l'OTAN dans ces bases et à Gibraltar, Madère et les Açores.

En novembre 1977, les USA invitent officiellement l'Espagne à rétrocéder au Maroc Sebta et Mellilia. On parle en Espagne d'imperialisme yankée, de pressions de la CIA pour faciliter le déploiement américain dans le détroit, de manœuvres de l'Association nationaliste "Terrakia", constituée en Australie par les américains et britanniques avec objet de provoquer l'intégration au Maroc des territoires nord-africains occupés par l'Espagne, d'utlisation du clergé et de journalistes par la CIA pour valider ces thèses et favoriser les plans imperialistes américains, et d'imperialisme moscovite à la recherche de lieux d'implantation, d'avitaillement et d'exhibition de sa flotte de guerre. Dans ce climat quasi paranoïaque se produisent des appréhensions favorables à susciter un consensus national autour d'une idéologie défensive des intérêts espagnols au détriment d'une demande marocaine légitime et mondialement reconnue et soutenue.

Le 26 octobre 1977, en pleine polémique sur l'identité de ces territoires, la revue sevillane "El correo de Andalucia", des Editions Catholiques, voit que ceux qui soutiennent que si l'Espagne restitue les enclaves occupées au Maroc rien n'empêchera prochainement ce pays "hégémonique" à réclamer de même Al Hamraâ de Granada et la Mosquée de Cordoba, sont dans l'erreur. Et d'ajouter qu'il convient de lever le brin de paille de leurs yeux pour voir clair et s'apercevoir que les anglais paraissent plus confortables à Gibraltar que les espagnols à Sebta, Mellilia, Penon de velez de la Gomera, Penon d'Al Hoceima et les îles Chaffarines.

L'écrivain de l'article conclut logiquement que si Gibraltar, peuplé par des anglais, est espagnol, pourquoi nous n'admettons pas que Sebta et Mellilia, peuplées par des espagnols, ne soient-elles pas marocaines ?

Effectivement, le promontoire de Gibraltar, occupé en 1704, est devenu propriété de la Grande Bretagne en vertu de l'article 10 du traité d'Utrecht sur Gibraltar, signé en 1713 entre l'Espagne et la GB, qui stipule que le Roi Catholique, agissant en son nom et au nom de ses héritiers et successeurs, cède pour toujours à la couronne britannique la propriété de la ville, du château, du port et des forteresses sans accès ouvert sur le continent pour lutter contre le trafic frauduleux des marchandises.

SM Britannique s'était engagée par cet accord à ne pas permettre aux juifs et aux maures (judios y moros) d'habiter ou de résider à Gibraltar, et à la flotte de guerre marocaine (naves de guerra moras) d'accoster au port, au risque de couper les voies de communication de l'Espagne avec Sebta. Si toutefois, pour des raisons quelconques, la Couronne britannique a l'intention de vendre ou de se déssaisir de la possession du rocher de Gibraltar, elle devra en faire proposition, en priorité, à la Couronne espagnole.

Les termes de ce traité d'Utrecht continuent d'être appliqués par l'Espagne de nos jours. Notre petite communauté résidant et travaillant à Gibraltar en sait beaucoup. Remarquons que les territoires marocains du Nord ont été spoliés et occupés sans titre, et toute référence à des accords et à des reconnaissances qu'aurait ratifiés la Couronne espagnole avec Napoléon, les italiens ou les tunisiens, ni même avec l'OTAN ou d'autres unions régionales, n'est que mystification des faits et usurpation des droits légitimes du Maroc sur ces enclaves spoliées, les îles et récifs de la méditerranée.

Le Maroc existait bel et bien à l'époque en tant qu'Etat.

Certains en Espagne osent même affirmer que le Maroc n'existait pas à l'époque en tant qu'Etat pour prétendre à un droit quelconque sur les villes et les îlots. Le Maroc pour qui l'ignorerait du côté espagnol avait fondé son Etat du temps de Moulay Idriss, il y a douze siècles. Ajouter à cela qu'au fil des siècles, les espagnols ont fait la dure expérience des attaques marocaines et de la revendication incessante des territoires à l'Est comme à l'Ouest de nos côtes méditerranéennes. Qu'on se remémore la lutte armée menée par Abbou ben Mohamed sous les Mérinides en 1415 sur Sebta. Les incursions organisées entre 1426 et 1429 par Sidi Talha Derrij également sur Sebta.

Le siège organisé par le Sultan Mohamed Cheikh Al Wattassi assisté du Roi Don Fernando le Catholique en 1476 autour de la même ville fortifiée. La guerre des Trois Rois remportée par le Roi Saâdien Abdelmalek à Oued El Makhazine le 04 août 1578. Et les perpetuelles attaques à partir de Souani, une Tour située en face de l'îlot Nekkor à Al Hoceima ? Enfin, les 116 sièges et 130 attaques menées par l'armée de Moulay Ismaïl entre 1681 et 1702 sur Sebta ne sont pas sans significations. Ajoutons à cela le siège de Mellilia entre 1774 et 1775 sous Sidi Mohammed ben Abdellah au temps du règne du Roi Carlos III, et le siège de Sebta entrepris entre 1790 et 1792 par le Sultan Moulay El Yazid, sans succès pour le premier, en raison du retard mis par l'Algérie à prendre Oran d'assaut et pour le second en raison d'incidents internes imprévus.

La guerre de Tétouan qui a eu lieu entre 1859 et 1860, au temps du Sultan Sidi Mohammed ben Abderrahmane et son frère le Commandant Moulay Al Abbas, confronté à Leopoldo O'Donnell, allait mettre fin aux guerres classiques et laisser place à la voie pacifique. Ce choix qui devait coûter à Moulay Hassan 1er de payer un second dédommagement à l'Espagne en 1894 à la suite d'attaques menées par les populations rifaines qui réagissaient contre l'extension des limites de la ville de Mellilia du côté de Sidi Oueriach.

Pour ce qui est du traité de 1860, signé avec le jeune sultan Sidi Mohammed ben Abderrahman, intronisé le 28 août 1859, auquel se réfèrent certains historiens espagnols est un accord de paix en vertu duquel le Maroc avait dédommagé l'Espagne à la suite d'un raid de la tribu des Anjara contre une redoute nouvellement édifiée à l'extérieur de l'enceinte de Sebta (été 1859).

Les parties devaient confiner leurs troupes au bénéfice de la paix. En contrepartie, le Sultan du Maroc, dans un sincère désir de consolider cette paix, avait retiré ses troupes des hauteurs de la sierra Bullones (Belyounech), de Khandaq Rahma, du Mont del Renegado et de Oued Daouyet, et intimé l'ordre à son armée régulière de mettre un terme aux hostilités au profit de la sagesse, de la diplomatie et de la négociation. Ça n'a jamais été une reconnaissance ipso facto ou un désistement sur un droit légitime comme veulent le penser et l'invoquent ceux qui véhiculent cette thèse.

Au contraire, le rayon de sécurité de la place de Sebta, sensé être une zone tampon inhabitée pour la sécurité de la garnison et des familles de militaires espagnols, s'étend, pour ceux qui ont une connaissance parfaite de l'enclave, des fortifications et de la rivière adjacente à l'actuelle douane de Tarajal. Il comprend aussi Benzu, Principé, Cisneros, Piniès, Isabel II, le Mirador et les carrières de concassage, un arc de cercle envahi et colonisé par les espagnols, durant leur protectorat dans la zone du Nord du Maroc, commandés par la pression belliqueuse de l'opinion favorable à toute déclaration de guerre contre les Maures.

L'attitude espagnole devait changer de ton juste après la Marche Verte, la récupération pacifique du Sahara marocain et la déclaration de feu SM Hassan II lors d'une conférence de presse devant les médias espagnols le 17/01/1978 : "le Maroc ne renoncera pas à Sebta et Mellilia. Les deux places seront marocaines..." ; déclaration qui devait raviver les débats et les analyses autour des villes occupées.

Aussitôt, la décolonisation du Sahara fut considérée comme une agression par le Maroc, une défaite pour l'armée espagnole (chrétienne) et un mot d'ordre pour re-mobiliser les idéologues, les politiciens et l'opinion publique autour d'intérêts suprêmes de la Patrie et de l'espagnolisme contre "l'agression de l'unité physique et politique de l'Espagne perpétrée par le Maroc". On faisait parler la population comme désireuse d'une autonomie régionale, on fustigeait toute attitude politique ou religieuse en faveur de la paix et de la décolonisation des territoires sous domination et administration espagnoles, et on a fait du contentieux conjoncturel du Sahara une tension durable en vue de détourner les regards sur Sebta et Mellilia.

Le Ministre des Affaires Etrangères de l'époque, Maître M'hammed Boucetta, déclarait pour sa part, le 23/03/1977 : "quant à Sebta et Mellilia et les autres places sous domination espagnole, nous appuyons notre droit des mêmes raisons invoquées par l'Espagne quant à Gibraltar", ajoutant que "c'est une question de justice historique". Il déclarait le 31/08/1977 à la revue "Addoustour" paraissant à Londres : "Les villes de Sebta et Mellilia, occupées par l'Espagne, sont un sujet qui figure constamment dans notre programme.

Le Maroc ne cessera jamais de revendiquer ces deux villes". Effectivement, depuis 1960 et après affranchissement du colonialisme français et espagnol, le Maroc a formulé sans cesse plus de 65 déclarations auprès des organisations internationales et régionales au sujet de la décolonisation de nos places et îlots sous domination espagnole.

La résolution 1514 du 14/12/1960 illustre bel et bien le recours du Maroc à la voie diplomatique, à la tribune internationale de l'ONU, pour faire entendre ses droits légitimes. Le Secrétaire générale de l'USFP, Maître Abderrahim Bouabid, faisait savoir de son côté que la souveraineté marocaine sur Sebta et Mellilia est indiscutable et que leur situation actuelle est une séquelle de l'histoire et d'une époque révolue.

Pour sa part, M. Abbas El Fassi, Premier ministre marocain, s'est axprimé devant le Parlement, le 5 novembre 2007, au lendemain de la visite du roi d'Espagne dans les deux villes spoliées en ces termes : "L'Espagne doit se rendre à l'évidence que l'ère du colonialisme est définitivement révolue". Les déclarations de part et d'autre se suivèrent et les contre-déclarations se faisaient entendre et défendre, chacun selon son idéologie, sa position ou sa politique.

Les administrateurs locaux dans ces présides épousent les mêmes vision et terminologie officielles et se mettent aux ordres des gouvernants espagnols tout en affichant refus et crainte du débat autour de la question. On parle d'inexistance de liens éthniques, historiques, juridiques et même géographiques (bizarre !) entre le Maroc, ces places et forts occupés.

Les plus malins vont jusqu'à avancer l'architecture ghotique et l'existence de sépultures de dignitaires portugais pour justifier la souveraineté espagnole (chrétienne en fait) sur les places marocaines (terre d'Islam). A ces penseurs, nous dirons que l'architecture européenne et les tombes de leurs ancêtres et aïeuls se trouvent partout au Maroc, là où ils avaient séjourné en hôtes ou en conquérants, et ils y sont toujours. Nous leur dirons aussi que nous revendiquons les territoires et non les populations qui y seront toujours les bienvenues. Il nous appartient toutefois de créer, pour y parvenir, les conditions d'une confiance réciproque entre gouvernements et peuples.

Les plus chauvins passèrent maîtres dans l'art de trouver le dosage adéquat entre politique intérieure et la légitimité de l'occupation des territoires marocains. Ils parvinrent concurremment à imposer leurs idées aux politiciens et à susciter un maximum de consensus national autour de la question dans la société espagnole. Ils produisent alors la culture du déshonneur et de l'humiliation, et présentent la forme par laquelle le Sahara avait été restitué pacifiquement au Maroc comme une défaite militaire espagnole.

Pour eux, toute renonciation à la présence espagnole, donc chrétienne, sur Sebta, Mellilia et les îlots, serait une défaite et une reconquête islamique de ces enclaves. Et c'est ce qui explique l'ingérance longtemps entretenue dans le dossier du Sahara marocain, les manipulations des séparatistes, la crise de l'îlot "Leïla" sous le gouvernement de droite et l'exercice de force autour de ce rocher d'un hectare et 200 ares incultes, situé à un lancer de pierre de notre côte, inhabité et jamais visité par un seul espagnol.

C'est un berger du coin qui y largait ses chèvres quand le rocher n'est pas investi et utilisé comme tremplin par les trafiquants et les bandes organisées de l'émigration clandestine. A cela s'ajoutent les visites inopportunes et provocatrices dans les deux villes du chef du gouvernement socialiste José Luis Rodriguez Zapatero en janvier 2006 et celle du roi d'Espagne le mois dernier.

Qu'à cela ne tienne. Nos lecteurs qui liront cette dense fresque, crayon en main, seront surpris de la quantité considérable de données méconnues sur chacun des épisodes et des aspects de l'entreprise coloniale ibérique, à la fois multiforme et répétitive, dans le Nord africain et le Maroc en particulier.

Illégitimité et usurpation espagnoles
La logique du temps, d'après Jean Wolf cité par le Pr Mohammed Sossé Alaoui, voulait que Ferdinand et Isabelle (1492-1504) eurent à cœur de continuer leurs croisades au-delà de la Mediterranée pour, d'une part, combattre ces infidèles qui apportent secours si souvent à leurs frères les musulmans de l'Andalousie, et d'autre part, pour faire triompher le christianisme et la "civilisation" sur la terre d'Islam et des "bédouins". D'ailleurs, dans le conflit irakien, la même stratégie a été adoptée par G. W. Bush qui a déclaré devoir combattre le terrorisme at home pour défendre les USA et les américains.

Dans notre cas, le mobile religieux, la vengeance sur le Maroc pour son aide à l'Etat musulman de l'Andalousie, et l'empêchement de venir en aide à la communauté musulmane restée sur le sol ibérique, devaient être légués à l'Occident chrétien et à l'Espagne par testament post mortem par la reine Isabelle la Catholique.

Donc, la souveraineté réclamée par les espagnols sur les présides et les récifs méditerranéens ne peut être admise avec les seuls critères unilatéraux. Ce sont effectivement des points névralgiques de la stratégie mondiale et le centre de l'espace géographique hispano-maghrébin, la principale artère du globe. Le fait est pourtant là. Depuis les chutes de Valencia en 1238, de Cordoba en 1246, de Sevilla en 1248, de Cadiz en 1260 et de Granada en 1492, le Maroc musulman et ses terres sont devenus une cible de l'Espagne chrétienne et de l'Eglise. Au début du siècle passé, il était devenu un espace économique à coloniser. Au milieu et vers la fin du 20ème siècle, c'était la guerre froide, la stratégie mondiale et les conflits d'intérêt qui dictèrent au Maroc de temporiser sa revendication, sans toutefois l'abandonner, et d'espérer le moment convenable pour la formuler dans le cadre du parachèvement de son intégrité territoriale par les voies pacifiques, en comptant sur le bon sens de son interlocuteur espagnol, le respect de la légalité internationale, le sang-froid et le discernement.

Durant la période de la guerre froide, le risque et le danger, pour les espagnols et d'après certaines plumes ibériques, fut la possible mise en place de bases militaires russes ou américaines dans ces lieux. Lors d'une réunion sur la sécurité européenne en 1977 -l'Espagne n'était pas encore membre de l'OTAN et de la CEE-, Londres avait manifesté son inquiétude, en cas de restitution des places et des îlots méditerranéens au Maroc, sur la possibilité d'installation de petites bases d'approvisionnement des sous-marins atomiques et de plates formes de lancement de fusées de moyenne portée dirigées vers le Sud-Ouest européen dont le rocher de Gibraltar occupé par la Grande Bretagne. Cette déclaration avait assurément importuné l'Espagne du fait qu'elle appuyait ses thèses sur les enclaves marocaines qu'elle occupe en même temps qu'elle légitimait la présence britannique dans le rocher de Gibraltar.

Le Roi du Maroc, feu SM Hassan II, suivant avec intérêt la question de Sebta et Mellilia, allait inviter l'Espagne et le Maroc à réflechir ensemble sur l'avenir de ces enclaves et devait déclarer en 1978 que cet avenir dépend de celui que la Grande Bretagne allait réserver à Gibraltar.

Accueillant le 08/02/1963, le nouvel ambassadeur d'Espagne au Maroc, il disait : "Dans ce qu'on appelle le contentieux hispano-marocain, il y'a des problèmes qui doivent être réglés rapidement, d'autres, au contraire, dans lesquels le temps sera un élément important, je n'ai pas manqué de m'en ouvrir au général Munoz Grandes". Deux ans plutôt, devant la conférence des Pays Non Alignés, il qualifiait Sebta et Mellilia de blockhaus et Seguia Al Hamra, Sidi Ifni et Oued Eddahab de zones entières au Sud du Maroc qui continuent d'être occupées par l'Espagne.

Suivez quelques extraits des déclarations du défunt Roi telles que rapportées dans la langue de Cervantès : "Pocas naciones tienen el privilegio de dominar las entradas a un mar internacional. Espana, es una de ellas. La Comunidad internacional no permitirà este privilegio estrategico", "Reclamaremos y exigimos la entrega de Ceuta y Melilla cuando Espana recupere Gibraltar", "Espana constituye una nacion colonialista, con tierras sojuzgadas en nuestro continente".

En 1987, feu SM Hassan II invitait le Roi d'Espagne, Don Juan Carlos 1er à la formation d'une cellule hispano-marocaine de réflexion sur l'affaire de Sebta et Mellilia tout en prenant en compte les intérêts vitaux du pays voisin. C'était son ministre des A.E, M. Barrio Nuevo, en visite au Maroc, qui a été chargé de la missive.

Le temps est peut-être venu de faire le toilettage du passé des présides et des ilôts entre le Maroc et l'Espagne. L'entreprise multiséculaire de la Reconquista qui fut perçue dans toute la chrétienté comme une revanche de la chute de Constantinople en 1453 et un coup d'arrêt à l'avancée des Othomans en Méditerranée et vers le siège de l'Eglise à Rome, ne doit plus et en aucun cas, faire obstacle aux relations de bon voisinage, d'entraide mutuelle, de coexistance pacifique et d'avenir commun des deux pilliers du détroit de Gibraltar que sont le Maroc et l'Espagne. Nos amis espagnols doivent nous permettre de les qualifier d'occupants de nos deux villes comme l'est pour eux la Grande Bretagne qui occupe actuellement le rocher de Gibraltar. Ils doivent savoir que nous avons une histoire commune à faire valoriser et un avenir commun à bâtir dans la paix pour les populations des deux rives de la médieterranée.

L'alibi de la stratégie défensive
Du côté du camp militaire, le Général Primo de Rivera, alors gouverneur de Cadiz, proposait de troquer les enclaves et les récifs en échange de Gibraltar. En tant que Chef de Gouvernement, il changea d'opinion, soutena le droit espagnol sur les terres d'Afrique et mit en place le projet de débarquement à Al Hoceima pour mater le soulèvement des tribus rifaines. Pour cet officier de l'armée franquiste, le problème de l'Afrique doit être résolu par les armes et la diplomatie. Après un entretien avec le général Franco, Sanjurjo et Varela réussirent à convaincre Rivera de l'utilité stratégique de demeurer dans les territoires marocains, comme le rapportait le périodiste Rubio Cabeza dans la "Cronica de la dictadura".

Cette thèse espagnole n'a pas changé d'un iota depuis lors. En 1958, toutes les tendances politiques espagnoles offraient également Sebta et Mellilia, parfois même Canarias et Vascongadas, en contrepartie du soutien international à l'idéologie montante. C'est que le 10 avril 1958, un accord avait été signé entre l'Espagne et le Maroc par lequel l'Espagne s'engageait à abandonner au Maroc toute la zone Sud dénommée "Sahara espagnol" dans le cadre de la décolonisation des territoires marocains occupés, malheureusement le projet fut avorté pour des raisons de politique interne d'une Espagne rongée par la guerre civile et le franquisme.

On allait assister par la suite à un revirement de situation dans la politique espagnole juste après la Marche verte que les chauvins ibériques avaient qualifié d'agression perpétrée par le Maroc contre l'armée espagnole qui aurait ainsi subit une cuisante défaite en se retirant du Sahara. Ils craignaient voir venir le tour de Sebta, Mellilia et les îlots au Nord. On a alors largement rebattu les cartes espagnoles et structuré le discours. On usait de divers stratagèmes pour remonter la tension, appeler aux Croisades et affaiblir la revendication marocaine sur ses territoires spoliés. Les représentants de Sebta et Mellilia au sein du Parlement espagnol qui se voyaient interdire la présence dans les hémicycles, devinrent le cheval de bataille pour faire admettre au monde l'hispanisation des enclaves, l'expansionnisme marocain et le danger qu'encourt l'Andalousie et l'Europe chrétienne en cas de parachèvement de l'intégrité territoriale du Maroc musulman.

Au nom de quoi les officiels espagnols devraient-ils continuer à penser que l'Islam est l'ennemi juré du Christianisme comme on l'avait dit, avant de le démentir, si l'Eglise estime que "les croisades" c'est du passé ? Faut-il se préparer constamment à une confrontation majeure entre l'Espagne et le Maroc sur des territoires dont la marocanité est établie et reconnue par l'histoire et la géographie ? Les opinions publiques espagnole et marocaine rejettent une telle éventualité. A moins que les objectifs visés par les politiciens ne soient masqués sous de faux prétextes simplificateurs (protection et défense du Sud de l'Europe, liberté de navigation, incursions terroristes, bases étrangères, lancement de missiles, ...etc.) précédés par des tapages médiatiques et littéraires massifs pour la manipulation des esprits comme pour la guerre contre l'Irak.


En réalité, ces concepts font partie de la stratégie du contrôle du détroit, fondée sur la protection des intérêts et sur la consolidation de la suprématie militaire dans un lieu géométriquement sensible aux tensions. En termes stratégiques et symboliques, l'Espagne veut avoir un rôle de pilier de l'Otanisme et se désigne comme le protecteur militaire principal des intérêts stratégiques de l'Occident dans une région de grande importance stratégique.

Aux yeux de notre voisin Euro-méditerranéen, Sebta et Mellilia, appelées "Plazas Mayores", constituent un écran protecteur pour le Sud de l'Espagne.

Les îlots dits "Plazas Menores", sans importance économique et politique, sont des fortifications militaires de grande importance pour la sécurité des places majeures. Ces places, aux côtés des Baléares, étaient au temps de l'empire des almohades des ports d'attache pour la force navale marocaine partie de Sebta vers la Palestine à l'appel de Salah Eddine Al Ayyoubi contre les croisés. A la tête de ces ports, il y'avait des chefs suprêmes, les maland. L'affaiblissement de la flotte allait toujours de pair avec celui de la dynastie régnante et ne devait servir que les desseins territoriaux du Portugal ou de la Castille.

1- les places majeures
Sebta (Superficie : 8 km2)
Au commencement, c'était un fort situé dans une péninsule marquée par le mont Hacho au Nord-Est (Punta Alpina), et dominée par l'imposante sierra Belyounech à l'Ouest. La légende parle des colonnes d'Hércule quand on évoque le mont Hacho et de Gibraltar visible à l'œil nu de la côte et des hauteurs avoisinantes. La situation privilégiée de son port et de sa baie a depuis toujours favorisé la navigation et le mouillage des flottes commerciales ou de guerre, et développé le mouvement des marchandises dans le détroit. Sur le plan stratégique, la navigation y a conquis ses lettres de noblesse entre les deux rives séparées de quelques miles marins.
Portugais et espagnols ont vécu dans cette ville forteresse qui s'est urbanistiquement déployée sur les terres constituant le rayon de sécurité par le traité de 1860 qui interdisait aux marocains et espagnols de s'y établir en signe de l'arrêt de la guerre et en attendant de réfléchir sur l'avenir de la ville.

Mellilia (Superficie : 14 km2)
La ville de Mellilia est située pieds dans l'eau à l'Est de la péninsule des Trois Fourches et sous l'auguste regard du mont Gourougou au Sud. Elle est traversée par un oued des crues "Rio de Oro" qui sépare la Medina (Melilla la Vieja) du quartier nouveau (Melilla la nueva) dont l'empiettement et l'extension avaient provoqué en 1894 l'ire et le soulèvement des populations rifaines du côté de Gourougou et de Sidi Oueriach.

Elle avait constitué pour les espagnols un poste avancé de caractère stratégique dans la mer "Al Boràn". Elle fut en l'an 700 conquise par Moussa Ibnou Noussair qui l'a baptisé du nom de Malilya. Le khalifa de Cordoba qui avait investi Sebta en l'an 931 avait aussi dominé Mellilia quelques années après et y eut exercé sa souveraineté au même titre que le Maghreb littoral.
Le Royaume de Castille l'a reconquise le 7 septembre 1497. En 1997, on fêtait en fanfares le 5ème siècle d'occupation chrétienne de la ville et construisit le plus grand immeuble dénommé "5° centenario". Mellilia est considérée stratégiquement comme un pôle militaire pour la sécurité du flanc Sud-Est de l'Espagne contre d'imaginaires agressions étrangères qui viseraient le détroit de Gibraltar.

2-Les places mineures
L'îlot Vélez de la Gomera
Ilot rocheux situé à proximité d'Al Hoceima, reconquis par Pedro Navarro en 1508 sur ordre du roi Fernando pour faciliter l'approvisionnement des grandes garnisons, récupéré par les marocains et repris par Felipe II en 1564. Il comprend un commandement et des campements militaires où vivent environ 200 personnes.

Les îlots d'Al Hoceima (Nekkor)
Très proches du continent et côtes marocaines, la grande roche est un fort militaire stratégique destiné à assurer la navigation de la flotte espagnole dans la zone. Les îlots ont pour noms l'île de la Terre, l'île de la Mer et le Penon, occupés par l'Espagne en 1560 avec la complicité du khalifa Al Ghalib.

Les îles Chaffarines (Al Jouzor Al Jaâfariya)
Situées à l'Est de Mellilia en face de l'embouchure de la Moulouya à hauteur de la localité de Ras El Ma, elles servent de refuges aux bâteaux espagnols et de défense militaire pour Mellilia. Occupées en 1848 sous Isabel II, elles sont au nombre de trois : île Congreso, île Isabel II et île del Rey.

Sous l'angle de la sécurité et de la défense (contre qui ?), l'Espagne perpetue sa présence injustifiée dans nos villes et îles, et dresse un rideau de fumée face à toute demande marocaine. En 1971, dans Mémoire d'un Roi, le Caudillo, le Général Franco, répondait à feu SM Hassan II en visite d'Etat en Espagne : "Ce que vous me demandez, Majesté, est un suicide auquel ni moi ni l'Espagne ne sommes disposés". Ce fut à une époque où l'Espagne cherchait encore à consolider son union nationale, était confrontée au problème de l'autonomie de ses régions et explorait la meilleure voie vers la démocratie et l'unité. Quand on sait que SM Juan Carlos avait exprimé son intention, en tant que Roi des espagnols, de restituer au Maroc ses terres méditerranéennes dès 1981 ; quand la communauté internationale appelle sans cesse l'Espagne à mettre fin à la colonisation de ces enclaves et que l'Espagne elle-même pilote le grand chantier international du rapprochement des civilisations ; l'on ne peut qu'appeler à la raison, à la lucidité, à la franchise et aux traités de bon voisinage pour proposer une solution courageuse et clore définitivement ce dossier.

Epilogue
La question de savoir si les populations de Sebta et de Mellilia doivent ou non être considérés comme véritablement espagnoles ou marocaines ne relève pas uniquement de la géopolitique. En effet, il s'agit largement d'une affaire de flux de communication et de perceptions réciproques entre politiciens des deux rives du détroit. Une fraction importante de la population a certes bien conscience de s'inscrire dans l'héritage euro-arabo-méditerranéen. Mais, elle a tendance à minimiser cette réalité lorsqu'on évoque son éventuelle appartenance au Maroc. La question politique occulte actuellement la perception d'une cohésion et d'une communauté culturelles avec le Maroc.

Historiquement, les sebtis et Melillis non européens, tout en étant marocains, ont activement participé à la vie culturelle européenne. Mais ils ont aussi combiné association culturelle et dissociation politique. L'autonomie est une valeur qu'ils affectionnent à telle enseigne qu'ils ont oublié qu'après avoir été longtemps méconnue par l'Espagne, l'influence de la pensée arabo-musulmane sur la culture européenne est aujourd'hui l'objet d'une sorte de reconnaissance à posteriori.

Les traditions anti-marocaines (Moros) et anti-islamiques de l'Espagne, qui servent de cadre légitimant la colonisation de Sebta, Mellilia et les îlots rifains, sont bien mises en évidence pour perdurer le statu quo sur ces territoires. Le scénario n'est plus culturel ou juridique, mais relève d'un montage de xénophobie traditionnelle par des personnes qui oublient que le monde a changé et les mentalités également. On ne saurait interpréter la revendication marocaine comme de nature exclusivement religieuse pour afficher le "niet russe".
Avec lucidité, l'unanimité nationale et internationale sur la question de nos terres spoliées pour des raisons de géostratégie dans le détroit est animée non par une culture théologique, mais par une revendication immuable à travers les siècles. L'occultation et le rejet de nos droits légitimes sur nos terres occupées sont une inscription en faux contre une politique colonialiste sensée être terminée avec l'émergence du 21ème siècle comme dans d'autres parties du monde : Hong Kong, Macao et Canal de Panama.

C'est de cette situation qu'il nous faut aujourd'hui sortir pour repenser l'avenir commun des enclaves et îlots, la culture espagnole et ses relations avec la culture marocaine dans des territoires à histoire mouvementée. C'est de la formule quasi hypnotique de l'opposition entre religions que les espagnoles doivent sortir. L'histoire de la colonisation n'est plus acceptable, ni, avec elle, la double amnésie ethnocentrique qui nourrit à la fois le discours xénophobe de l'extrême droite et le repli des voix savantes qui s'étaient élevées au profit de la décolonisation des territoires marocains sous domination espagnole.

En conclusion, après que SM le Roi Mohammed VI, ait exprimé ses meilleures intentions au sujet du contentieux des présides Nord-africains, on se réfère à la bonne volonté des dirigeants politiques des deux pays intimement amis, et aux peuples marocain et espagnol (hispano-andaloux), historiquement unis par le même destin, pour définir les vrais besoins en matière de leur sécurité commune et d'adapter le futur juridique des enclaves de Sebta, Mellilia et des îlots méditerranéens à ces besoins concrets. Plutôt que se demander, alors que le monde a évolué politiquement et idéologiquement, quelle nouvelle croisade il faudrait déclencher pour continuer à nourrir les malades de la confrontation entre religions et ethnies de part et d'autre du détroit de Gibraltar.
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NB : Puisse cette contribution, essentiellement basée sur une lecture objective de l'histoire et vue d'un angle politique, être une entreprise méritoire et faciliter la compréhension de ce lamentable contentieux entre voisins monothéistes et consanguins.
Documentaire historique préparé et commenté par Hammou Sriri & Abou Fayçal
L'Opinion
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Sebta, Mellilia et les îlots
Les détérminants historiques d'une revendication légitime
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